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Assemblée nationale 11ème législature
Question écrite
N° 18232
de M. Brard Jean-Pierre (Communiste - Seine-Saint-Denis)
Ministère interrogé : intérieur
Ministère attributaire : intérieur
Question publiée au JO le : 10/08/1998 p. 4389
Réponse publiée au JO le : 21/09/1998 p. 5218
Texte de la QUESTION :
M. Jean-Pierre Brard attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les modalités d’exercice des pouvoirs de police des maires et sur les limites de ces pouvoirs. En particulier, lorsque des organisations à caractère sectaire, citées dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire de janvier 1996, organisent des manifestations publiques, il souhaiterait savoir si les maires, garants du maintien de l’ordre public et en vertu des pouvoirs de police qui leur sont conférés par la loi, peuvent interdire ces manifestations, par arrêté municipal. Il désirerait également savoir si, au nom des mêmes principes, il leur est possible de refuser le prêt ou la location de salles municipales demandé par des organisations à caractère sectaire ayant un statut associatif, et mentionnées dans le même rapport.
Texte de la REPONSE :
Quel qu’en soit l’objet, les réunions publiques peuvent, depuis la loi du 28 mars 1907, être tenues sans déclaration préalable. Elles sont donc totalement libres et échappent à tout contrôle administratif préalable. La liberté de réunion ne fait toutefois pas obstacle à ce que les autorités de police puissent prononcer leur interdiction, lorsqu’il apparaît que la tenue de ces réunions, publiques ou privées, apporterait un trouble grave à l’ordre public et si la mesure d’interdiction est le seul moyen d’éviter ce trouble (CE, 19 mai 1933 Benjamin) ou si elle est motivée par les nécessités de l’administration des propriétés communales (CE, 15 octobre 1969, association Caen Demain). La liberté est donc la règle, l’interdiction l’exception. Le contrôle juridictionnel est particulièrement rigoureux en la matière, le juge vérifiant l’adéquation de la mesure de police aux risques encourus, au regard, notamment, des moyens, juridiques ou en forces de police, dont dispose l’autorité de police, pour empêcher la survenance des troubles. Bien entendu, il ne saurait être question d’admettre des interdictions générales et permanentes. On ne peut toutefois exclure totalement le recours à une mesure de cette nature s’il apparaissait qu’une réunion devait drainer un public très important et, éventuellement, susciter des réactions négatives, voire violentes, de la part d’une fraction de la population. La réserve de l’ordre public étant mise à part, il convient en effet de rappeler qu’il ne peut être dérogé au principe d’égalité qu’à la condition qu’une différence objective de situation le justifie. Il paraît très difficile à cet égard de se fonder sur l’appréciation du caractère sectaire que présenterait une association. En effet, aux termes de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, la France, république laïque, respecte toutes les croyances. Dès lors, le droit ignore la notion de secte, à laquelle n’est attachée aucune conséquence juridique. L’appréciation du caractère sectaire d’une association est nécessairement subjective. La qualification de « secte » donnée à certains groupements ou associations ne saurait donc, à elle seule, fonder légalement un refus de mise à disposition. Même si la commission parlementaire sur les sectes a estimé qu’une association donnée avait un caractère sectaire, la municipalité concernée ne peut, en se fondant sur ce seul motif, refuser de louer une propriété communale. Un refus ainsi motivé serait gravement attentatoire à la liberté de culte à valeur constitutionnelle. La jurisprudence a d’ailleurs déjà estimé que les autorités de police ne peuvent interdire toute cérémonie et tout office religieux organisés par une « secte » sans méconnaître l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 (CE, 14 mai 1982, Association internationale pour la conscience de Krishna).