Legirel

Législation concernant les activités religieuses et l’organisation des cultes

Accueil > Décret du 6 février 1911 modifié déterminant les conditions d’application (...)


Décret du 6 février 1911 modifié déterminant les conditions d’application à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion des lois sur la séparation des Eglises et de l’Etat et l’exercice public des cultes

JO du 10 février 1911 p. 1021

Rapport du président de la République française

Paris, le 6 février 1911.
Monsieur le Président,
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat dispose, dans son article 43 que des règlements d’administration publique détermineront les conditions dans desquelles elle sera applicable aux colonies.
J’ai préparé, en conséquence, d’accord avec M. le président du conseil, ministre de l’intérieur et des cultes, le projet de décret ci-joint, adopté par le conseil d’Etat que j’ai l’honneur de soumettre à votre haute sanction et qui détermine les conditions d’application à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion des lois sur la séparation des Eglises et de l’Etat et l’exercice public des cultes.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect.
Le ministre des colonies, J. MOREL

Le Président de la République française,
Sur le rapport du ministre des colonies et du ministre de l’intérieur et des cultes,
Vu la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat et notamment l’article 43, paragraphe 2, ainsi conçu :
"Des règlements d’administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable à l’Algérie et aux colonies" ;
Vu la loi du 2 janvier 1907, concernant l’exercice public des cultes ;
Vu la loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques et notamment l’article 3 ainsi conçu :
"Des règlements d’administration publique détermineront les colonies dans lesquelles la présente loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l’Algérie et aux colonies" ;
Vu la loi du 13 avril 1908, modifiant les articles 6, 7, 9, 10, 13 et 14 de la loi du 9 décembre 1905 ;
Le conseil d’Etat entendu,

Décrète :

TITRE Ier PRINCIPES

Art. 1er. - La République assure la liberté de conscience. Elle garanti la libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Art. 2. - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er juillet qui suivra la publication du présent décret, seront supprimés des budgets des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion et des communes de ces colonies, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que : lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.

TITRE II ATTRIBUTIONS DES BIENS. PENSIONS

Art. 3. - Les établissements dont la suppression est ordonnée par l’article 2 continueront provisoirement de fonctionner conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et, au plus tard, jusqu’à l’expiration du délai ci-après :
Dès la publication du présent décret, il sera procédé, par les agents du service du domaine, à l’inventaire descriptif et estimatif :

1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
2° Des biens des colonies et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou ceux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
Les agents chargés de l’inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.
Les archives ecclésiastiques et les bibliothèques existant dans les évêchés, paroisses succursales et leurs dépendances feront l’objet d’un inventaire spécial ; celles qui seront reconnues propriétés des colonies on des communes leur seront restituées.

Art. 4. (modifié par D. du 3 avril 1912) - Dans le délai de dix-huit mois à partir de la publication du présent décret, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 21 pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

Art. 5. – Ceux des biens désignés à l’article précédent qui proviennent de l’Etat et des colonies et qui ne sont pas grevés d’une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour aux colonies.
Les attributions de biens ne pourront être faites aux établissements ecclésiastiques qu’un mois après la promulgation du règlement d’administration publique prévu à l’article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être de mandée devant le tribunal civil par toute partie intéressée ou par le ministère public.
En cas d’aliénation par l’association cultuelle de valeurs mobilières ou d’immeubles faisant partie du patrimoine de l’établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 22.
L’acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
Les biens revendiqués par les colonies ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la revendication pas les tribunaux compétents.

Art. 6. - Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements, ainsi que de leurs emprunts, sous réserves des dispositions du deuxième paragraphe du présent article ; tant qu’elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour aux colonies en vertu de l’article 5.
Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l’usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.

Art. 7. - Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable ou de toute autre affectation étrangère à l’exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d’utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le gouverneur. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en conseil d’Etat.
Toute action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, concernant les biens dévolus en exécution du présent article, est soumise aux règles prescrites par les articles 11, 13 et 14.

Art. 8. – Faute par un établissement ecclésiastique d’avoir, dans le délai prescrit par l’article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret, sauf en ce qui concerne les édifices et les meubles visés au paragraphe 1er, 1° et 2°, de l’article 10 ci-après.
A l’expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu’à leur attribution, placés sous séquestre.
Dans le cas où les biens attribués en vertu de l’article 4 et de paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l’origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l’exercice du même culte, l’attribution qui en aura été faite par les représentants de l’établissement ou par décret pourra être contestée devant le conseil d’Etat statuant au contentieux, lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
La demande sera introduite devant le conseil d’Etat statuant au contentieux dans le délai d’an an, à partir de la date du décret ou à partir de la notification au gouverneur, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l’attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d’un mois.
L’attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l’association nantie, de création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l’association attributaire n’est plus en mesure de remplir son objet.

Art. 9. - En cas de dissolution d’une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués, par décret rendu en conseil d’Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit dans la même circonscription à des établissements communaux de bienfaisance et d’assistance.

Art. 10. (modifié par D. du 3 avril 1912) - Les biens des églises ecclésiastiques, qui n’ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai de dix-huit mois à partir de la publication du présent décret, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d’assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d’établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes sous la condition d’affecter aux services de bienfaisance ou d’assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après :
1° Les édifices affectés au culte lors de la publication du présent décret et les meubles les garnissant deviendront, à l’expiration du délai de dix-huit mois, à partir de cette publication, la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
2° Les meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques ci-dessus mentionnés, qui garnissent les édifices désignés à l’article 17 du présent décret, deviendront, à l’expiration du délai de dix-huit mois, à partir de cette publication, la propriété des colonies et des communes propriétaires desdits édifices s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
3° Les immeubles bâtis, autres que les édifices affectés aux cultes, qui n’étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation du présent décret et qui appartenaient aux menses épiscopales, ainsi que les cours et jardins y attenant, seront attribués par décret, soit aux colonies, soit aux communes soit à des établissements publics pour des services d’assistance ou de bienfaisance ou des services publics ;
4° Les biens des menses épiscopales seront, sous réserve de l’application des dispositions du paragraphe précédent, affectés dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements au payement du reliquat des dettes régulières ou légales de l’ensemble des établissements ecclésiastiques compris dans ladite circonscription, dont les biens n’ont pas été attribués à des associations cultuelles, ainsi qu’au payement de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées relativement à ces biens par le séquestre, sauf ce qui est dit à l’article 13 du présent décret. L’actif disponible après l’acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué par décret à des services locaux de bienfaisance ou d’assistance.
En cas d’insuffisance d’actif, il sera pourvu an payement desdites dettes et dépenses sur l’ensemble des biens ayant fait retour aux colonies en vertu de l’article 5 ;
5° Les documents, livres, manuscrits et œuvres d’art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et non visés au 1° du premier paragraphe, pourront être réclamés par les colonies en vue de leur dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées et leur être attribués par décret ;
6° Les biens des caisses de retraites et maisons de secours pour les prêtres âgés ou infirmes seront attribués par décret à des sociétés de secours mutuels qui pourraient être constituées dans les colonies où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège.
Pour être aptes à recevoir ces biens, lesdites sociétés devront être légalement approuvées, avoir une destination conforme à celle desdits biens, être ouvertes à tous les intéressés et ne prévoir dans leurs statuts aucune amende ni aucun cas d’exclusion fondés sur un motif touchant à la discipline ecclésiastique.
Les biens des caisses de retraite et maisons de secours, qui n’auraient pas été réclamés dans le délai de dix-huit mois, à dater de la publication du présent décret, par des sociétés de secours mutuels constituées dans les conditions prévues au paragraphe précédent dans le délai d’un an de ladite publication, seront attribués par décret aux colonies où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège et continueront à être administrés provisoirement au profit des ecclésiastiques qui recevaient des pensions ou secours ou qui étaient hospitalisés à la date de la publication du présent décret.
Les ressources non absorbées par le service de ces pensions ou secours seront employées au remboursement des versements que les ecclésiastiques, ne recevant ni pension, ni secours, justifieront avoir faits aux caisses de retraites.
Le surplus desdits biens sera affecté par les colonies à des services de bienfaisance ou d’assistance fonctionnant dans les anciennes circonscriptions des caisses de retraite et maisons de secours.

Art. 11. - §1er. Toute action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.
Elle ne peut être exercée qu’en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.
Les arrérages de rentes dus aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n’ont pas été rachetées cessent d’être exigibles. Aucune action d’aucune sorte ne pourra être intentée à raison de fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X.
§2. L’action peut être exercée contre l’attributaire ou, à défaut d’attribution, contre le gouverneur représentant l’Etat en qualité de séquestre.
§ 3. Nul ne pourra introduire une action, de quelque nature qu’elle soit, s’il n’a déposé, deux mois auparavant, un mémoire préalable sur papier non timbré, entre les mains du gouverneur qui en délivrera un récépissé daté et signé.
§ 4. Au vu de ce mémoire, et après avis du chef du service des domaines, le Gouverneur pourra, en tout état de cause, et quel que soit l’état de la procédure, faire droit à tout ou partie de la demande par un arrêté pris en conseil privé.
§5. L’action sera prescrite si le mémoire préalable n’a pas été déposé dans les six mois à compter de la publication au Journal officiel de la colonie de la liste des biens attribués ou à attribuer avec les charges auxquelles lesdits biens seront ou demeureront soumis et si l’assignation devant la juridiction ordinaire n’a pas été délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.
Parmi ces charges, pourra être comprise celle de l’entretien des tombes.
§ 6. Passé ces délais, les attributions seront définitives et ne pourront plus être attaquées de quelque manière ni pour quelque cause que ce soit.
Néanmoins, toute personne intéressée pourra poursuivre devant le conseil d’Etat statuant au contentieux l’exécution des charges imposées par les décrets d’attribution.
§ 7. Il en sera de même pour les attributions faites après solution des litiges soulevés dans le délai.

Art. 12. - §1er. Tout créancier hypothécaire privilégié ou autre, d’un établissement dont les biens ont été mis sous séquestre devra, pour obtenir le payement de sa créance, déposer préalablement à toute poursuite, un mémoire justificatif de sa demande, sur papier non timbré, avec pièces à l’appui, au gouverneur, qui en délivrera un récépissé daté et signé.
§2. Au vu de ce mémoire et sur l’avis du chef du service des domaines, le gouverneur pourra, en tout état de cause et quel que soit l’état de la procédure, décider, par un arrêté pris en conseil privé, que le créancier sera admis, pour tout ou partie de sa créance, au passif de la liquidation de l’établissement supprimé.
§3. L’action du créancier sera définitivement éteinte si le mémoire préalable n’a pas été déposé dans les six mois qui suivront la publication au Journal officiel de la colonie, prescrite par le paragraphe 5 de l’article précédent, et si l’assignation devant la juridiction ordinaire n’a pas été délivrée dans les neuf mois de ladite publication.

Art. 13. - Dans toutes les causes auxquelles s’appliquent les dispositions du présent décret, le tribunal statue comme en matière sommaire conformément au titre XXIV du livre II du code de procédure civile.
Les frais exposés par le séquestre seront, dans tous les cas, employés en frais privilégiés sur le bien séquestré, sauf recouvrement, contre la partie adverse condamnée aux dépens, ou sur la masse générale des biens mentionnés au paragraphe 1er, 4° de l’article 10, recueillis par les colonies.

Art. 14. - § 1er. Les colonies, les communes et les établissements publics ne peuvent remplir ni les charges pieuses ou cultuelles, afférentes aux libéralités à eux faites, ou aux contrats conclus par eux, ni les charges dont l’exécution comportait l’intervention, soit d’un établissement public du culte, soit de titulaires ecclésiastiques.
Ils ne pourront remplir les charges comportant l’intervention d’ecclésiastiques pour l’accomplissement d’actes non cultuels que s’il s’agit de libéralités autorisées antérieurement à la promulgation du présent décret et si, nonobstant l’intervention de ces ecclésiastiques, ils conservent un droit de contrôle sur l’emploi desdites libéralités.
Les dispositions qui précédent s’appliquent au séquestre.
Dans les cas prévus à l’alinéa 1 du présent article, et, en cas d’inexécution des charges visées à l’alinéa 2, l’action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, ne peut être exercée que par les auteurs des libéralités et leurs héritiers en ligne directe.
Les dispositions des articles 11, 12 et 13 s’appliquent à cette action sous les réserves ci-après :
Le dépôt du mémoire est fait au gouverneur et l’arrêté du gouverneur en conseil privé est pris, s’il y a lieu, après avis de la commission coloniale pour la colonie, du conseil municipal ou de la commission municipale pour la commune et de la commission administrative pour l’établissement public intéressé.
En ce qui concerne les biens possédés par les colonies, il sera statué par décret.
L’action sera prescrite si le mémoire n’a pas été déposé dans l’année qui suivra la publication du présent décret et l’assignation devant la juridiction ordinaire délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.
§ 2. Les biens réclamés en vertu du présent article aux colonies, aux communes et à tous établissements publics ne seront restituables, lorsque la demande ou l’action sera admise, que dans la proportion correspondante aux charges non exécutées, sans qu’il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse, et sous déduction des frais et droits correspondants payés lors de l’acquisition des biens.
§ 3. Sur les biens grevés de fondations de messes, les colonies, les communes et les établissements publics, possesseurs ou attributaires desdits biens, devront, à défaut des restitutions à opérer en vertu du présent article, mettre en réserve la portion correspondant aux charges ci-dessus visées.
Cette portion sera remise à des sociétés de secours mutuels qui pourraient être constituées dans les conditions prévues à l’article 10, 6° du présent décret, sous la forme de titres, de rente nominatifs, à charge par celles-ci d’assurer l’exécution des fondations perpétuelles de messes.
Pour les fondations temporaires, les fonds y afférents seront versés auxdites sociétés de secours mutuels, mais ne bénéficieront pas du taux de faveur prévu par l’article 21 de la loi du 1er avril 1898.
Les titres nominatifs seront remis et les versements faits à la société de secours mutuels qui aura été constituée dans les colonies.
A l’expiration du délai de dix-huit mois prévu à l’article 10, 6° ci-dessus visé, si aucune des sociétés de secours mutuels qui viennent d’être mentionnées n’a réclamé la remise des titres ou le versement auquel elle a droit, les colonies, les communes et les établissements publics seront définitivement libérés et resteront propriétaires des biens par eux possédés ou à eux attribués, sans avoir à exécuter aucune des fondations de messes grevant lesdits biens.
La portion à mettre en réserve, en vertu des dispositions précédentes sera calculée sur la base des tarifs indiqués dans l’acte de fondation ou, à défaut, sur la base des tarifs en vigueur à la date de la publication du présent décret.

Art. 15. (modifié par D. du 3 avril 1912) - Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception d’impôt.
Les biens qui, sans appartenir à un établissement public du culte étaient affectés, an moment de la publication du présent décret, à l’exercice public d’un culte, peuvent, jusqu’à l’expiration de dix-huit mois après cette publication, être attribués à une association cultuelle sans aucune perception au profit des colonies.
Les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats seront opérés ou délivrés par les compagnies, sociétés et autres établissements débiteurs et par les conservateurs des hypothèques, en vertu soit d’une décision de justice devenue définitive, soit d’un arrêté pris par le gouverneur en conseil privé, soit d’un décret d’attribution.
Les arrêtés et décrets, les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats opérés ou délivrés en vertu desdits arrêtés et décrets ou des décisions de justice susmentionnés, seront affranchis de droit de timbre, d’enregistrement ou de toute autre taxe.
Les attributaires de biens immobiliers seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités de purge des hypothèques légales. Les biens attribués seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée qui n’aurait pas été inscrite avant l’expiration du délai de six mois à dater de la publication au Journal officiel de la colonie ordonnée par le paragraphe 5 de l’article 11.

Art. 16. (modifié par D. du 30 déc. 1911) - Les ministres du culte qui, à raison de leur emploi, se trouvent placés, au point de vue des pensions, sous le régime des lois des 18 avril 1831 et 5 août 1879 et qui, à la date du 1er juillet 1911 réuniront les conditions prévues par les lois, seront admis d’office à faire valoir leurs droits à une pension de retraite sur le Trésor public.
Les ministres du culte titulaires de fonctions ecclésiastiques rémunérées sur les budgets locaux, qui n’auront pas droit à la pension de retraite prévue au paragraphe précédent, obtiendront, sur les fonds de la colonie dont ils dépendent, soit une pension annuelle et viagère, soit une allocation dans les conditions fixées ci-après.
Ceux qui réuniront quinze ans au moins de services effectifs auront droit à une pension annuelle et viagère, dont le taux est fixé pour chaque année de service, campagnes comprises, à raison d’un vingt-cinquième ou d’un trentième suivant la distinction prévue par l’article 2 de la loi du 5 août 1879, du minimum de la pension d’ancienneté afférente à leur emploi et à laquelle ils auraient pu prétendre en vertu des lois du 18 avril 1831 et du 5 août 1879. Le tarif des pensions d’ancienneté demeure applicable à la pension annuelle et viagère liquidée, suivant le cas, pour plus de vingt-cinq ou de trente ans de services, campagnes comprises.
Ceux qui ne rempliront pas les conditions prévues par le paragraphe précédent, mais dont l’ensemble des services ecclésiastiques rétribués par l’État ou les colonies atteindra quinze ans recevront une pension annuelle et viagère égale aux deux cinquièmes de leur traitement colonial. Toutefois ils n’auront droit à cette pension que s’ils réunissent quarante ans d’âge, et au moins dix ans de services, campagnes comprises. Ladite pension ne pourra dépasser 1800 fr.
Les ministres du culte salariés par les colonies au moment de la publication du présent décret qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront pendant quatre ans, à partir du 1er juillet 1911, une allocation égale à la totalité de leur traitement colonial pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième, à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
Toutefois, pour les ministres du culte qui continueront à remplir leurs fonctions dans la colonie où ils les exercent actuellement, la durée de chacune des quatre périodes ci-dessus indiquées sera doublée.
Les communes pourront, sous les mêmes conditions que les colonies, accorder aux ministres du culte, salariés par les colonies au moment de la publication du présent décret des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
Les communes pourront, sous les mêmes conditions que les colonies, accorder aux ministres du culte rétribués sur le budget communal au moment de la publication du présent décret, des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
Réserve est faite des droits acquis en matière de pensions, par application de la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents cultes, soit à leurs familles.
Les pensions et allocations prévues aux troisième, quatrième et cinquième paragraphes du présent article seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles ; elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour l’un des délits prévus aux articles 36 et 37 du présent décret.
Seront en outre supprimées de plein droit, après infraction dûment réprimée, les allocations concédées aux ministres du culte qui ne se seront pas conformes aux dispositions du présent décret concernant l’exercice public du culte.
La déchéance sera constatée par arrêté du gouverneur rendu sur le vu d’un extrait du jugement ou de l’arrêt qui lui est adressé par les soins du procureur général, chef du service judiciaire.
Le droit à l’obtention ou à la jouissance d’une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité.
Les demandes de pensions devront être, sous peine de forclusion, formées dans le délai d’un an après la publication du présent décret.

TITRE III DES EDIFICES DES CULTES

Art. 17. - Les édifices servant à l’exercice public du culte, appartenant aux colonies et aux communes, ainsi que les objets mobiliers qui les garnissent, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret, sauf recours au conseil d’Etat statuant au contentieux :
1° Si l’association bénéficiaire est dissoute ;
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
3° Si la conservation de l’édifice est compromise par insuffisance d’entretien et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou à son défaut, du gouverneur ;
4° Si l’association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
5° Si elle ne satisfait pas aux obligations de l’article 6 ou de l’avant-dernier paragraphe du présent article.
La désaffectation de ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus, être prononcée par décret rendu en conseil d’Etat. En dehors de ces cas, elle ne pourra l’être que par une loi.
Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an, antérieurement au présent décret, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par arrêté du gouverneur.
Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er janvier 1909.
Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles qui les garnissent.
Les colonies et les communes pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par le présent décret.

Art. 18. - A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte ainsi que les meubles les garnissant continueront, sauf désaffectation, dans les cas prévus par l’article précédent, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
La jouissance gratuite en pourra être accordée soit à des associations cultuelles instituées conformément aux articles 20 et 21 du présent décret, soit à des associations formées en vertu de la loi du 1er juillet 1901 rendue applicable par la loi du 19 décembre 1908 dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, pour assurer la continuation de l’exercice public du culte, soit aux ministres du culte dont les noms seront indiqués dans les déclarations prévues à l’article 27 du présent décret.
La jouissance ci-dessus prévue des édifices et des meubles les garnissant sera attribuée sous réserve des obligations énoncées par l’article précédent au moyen d’un acte administratif dressé par le gouverneur pour les immeubles qui appartiennent aux colonies, par le maire pour les immeubles qui sont la propriété des communes.

Art. 19. (modifié par D. du 3 avril 1912) - Les évêchés, les presbytères et leurs dépendances seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues par l’article 17, savoir : les évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, pendant cinq années à partir de la publication du présent décret.
Les établissements et associations sont soumis en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par l’avant-dernier paragraphe de l’article 17. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l’article 17. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er être prononcée pour un service public par décret en conseil d’État.
À l’expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue aux colonies ou aux communes :
Si la jouissance de ces édifices n’a pas été réclamée par une association cultuelle dans le délai de dix-huit mois à partir de la publication du présent décret, les colonies et les communes recouvreront à titre définitif, dès l’expiration de ce délai, la libre disposition desdits édifices.
La location des édifices ci-dessus visés, dont les colonies ou les communes seraient propriétaires devra être approuvée par le gouverneur. En cas d’aliénation par la colonie, la délibération du conseil général ne sera exécutoire qu’après approbation par décret.
Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l’article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans, dans les circonscriptions où des associations cultuelles se seront constituées au cours des dix-huit mois qui suivront la publication du présent décret.
Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l’association. Si aucune association ne s’est formée dans le délai d’un an ci-dessus prévu, elles cesseront de plein droit à l’expiration de ce délai de dix-huit mois.

TITRE IV DES ASSOCIATIONS POUR L’EXERCICE DES CULTES

Art. 20. - Des associations pourront se constituer pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte, en se conformant aux articles 5 et suivants du titre 1er de la loi du 1er juillet 1901 et aux prescriptions du présent titre.

Art 21. - Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice du culte et être composées au moins :
Dans les communes de moins de 2000 habitants, de cinq personnes ;
Dans les communes de 2001 à 5000 habitants, de sept personnes ;
Dans les communes de 5001 à 12000 habitants, de douze personnes ;
Dans les communes de plus de 12000 habitants, de seize personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
Leurs directeurs et administrateurs devront être Français. Les dispositions de l’article 12 de la loi du ler juillet 1901 seront applicables à celles de ces associations qui seront composées en majeure partie d’étrangers.
Chacun de leurs membres pourra s’en retirer en tout temps après payement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins, présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
Les associations régies par le présent titre pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, de la colonie ou des communes.

Art 22. - Ces associations peuvent, dans les formes déterminées pour les associations ordinaires, constituer, soit entre elles, soit avec les associations établies dans la métropole, des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l’article 20 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 21 du présent décret.
Les directeurs et administrateurs des unions constituées dans les colonies devront être Français.

Art. 23. - Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par le service du domaine.
Les associations et les unions sont également soumises aux vérifications de l’inspection des colonies.

Art. 24. - Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d’un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l’entretien du culte et ne pouvant en aucun cas recevoir une autre destination, le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale pour les unions et associations ayant plus de 5000 fr. de revenu, à trois fois, et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d’elles pour les frais du culte pendant les cinq dernières années.
Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront être déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la caisse du trésorier-payeur de la colonie pour être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l’achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d’immeubles ou meubles destinés aux besoins de l’association ou de l’union.

Art. 25. – Seront punis d’une amende de 16 fr. à 200 fr. et, en cas de récidive, d’une amende double, les directeurs ou administrateurs d’une association ou d’une union qui auront contrevenu aux articles 20, 21, 22, 23 et 24.
Les tribunaux pourront, dans les cas d’infraction au paragraphe 1er de l’article 24, condamner l’association ou l’union à verser l’excédent constaté aux établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance.
Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union.

Art. 26. - Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant aux colonies ou aux communes continueront à bénéficier des exemptions d’impôt dont ils jouissent actuellement.
Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires qui appartiennent aux colonies ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions régies par le présent titre sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.

TITRE V POLICE DES CULTES

Art. 27. - Indépendamment des associations soumises aux dispositions du titre IV du présent décret, l’exercice public d’un culte peut être assuré tant au moyen d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (art. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12 et 17) que par voie de réunions tenues sur l’initiative individuelle en vertu de la loi du 30 juin 1881.
Les réunions pour la célébration d’un culte tenues soit dans les édifices affectés à l’exercice du culte, soit dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition, sont publiques. Elles sont dispensées de formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881 ; elles peuvent être tenues sans déclaration préalable mais restent placées sons la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public. Toutefois, dans le cas prévu par le deuxième paragraphe in fine de l’article 18 du présent décret, elles doivent être précédées d’une déclaration faite dans les formes de l’article 2 de la loi précitée et indiquant le local dans lequel elles seront tenues.

Art. 28. - II est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

Art. 29. - Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte continueront à être réglées en conformité des articles 95 et 97 de la loi municipale du 5 avril 1884.
Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté du gouverneur.
Le décret prévu par l’article 43 du présent décret déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu.

Art. 30. - II est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Art. 31. - Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de simple police.
Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 27, 28 et 29, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui ont participé en qualité de ministre du culte et, dans le cas des articles 27 et 28, ceux qui ont fourni le local.

Art. 32. - Conformément à l’article 6 du décret du 23 août 1902, déterminant le texte des lois métropolitaines sur l’enseignement primaire appliquées à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion, l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe.
Les ministres des cultes qui enfreindront cette disposition seront passibles des peines de police conformément aux articles 479, 480 et suivants du code pénal.

Art. 33. - Sont punis d’une amende de 16 fr. à 200 fr. et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

Art. 34. - Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

Art. 35. - Les dispositions des articles précédents ne s’appliquent qu’aux troubles, outrages ou voies de fait dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d’après les dispositions du code pénal.

Art. 36. - Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement, par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 500 fr. à 3000 fr. et d’un emprisonnement de un mois à un an ou de l’une de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établie devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.

Art. 37. - Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique ou s’ il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui sen sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.

Art. 38. - Dans le cas de condamnation par les tribunaux de simple police ou de police correctionnelle en application des articles 27 et 28, 36 et 37, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.

TITRE VI DISPOSITIONS GENERALES

Art. 39. - L’article 463 du code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels le présent décret édicte des pénalités.

Art. 40. - Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902, rendues applicables dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion par la loi du 19 décembre 1908.

Art. 41. - Pendant huit années à partir de la publication du présent décret, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.

Art. 42. - Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues.

Art. 43. - Les mesures propres à assurer l’application du présent décret seront ultérieurement déterminées par des règlements d’administration publique.

Art. 44. - Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisations dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, des cultes antérieurement reconnus par l’Etat, ainsi que toutes les dispositions contraires au présent décret, notamment les décrets des 18 décembre 1850 et 3 février 1851, portant création et organisation des évêchés de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion.

Art. 45. - Le ministre des colonies et le ministre de l’intérieur et des cultes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et aux Journaux officiels de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, et inséré au Bulletin des lois et au Bulletin officiel du ministère des colonies.

Fait à Paris, le 6 février 1911.
A. Fallières
Par le Président, de la République :
Le ministre des colonies,
J. Morel
Le président du conseil, ministre de l’intérieur et des cultes,
Aristide Briand.